Comment décrocher la médaille pour votre communication?

Comment décrocher la médaille pour votre communication?

Par Paul Turlais IP jurist Distinctive | Ipsilon Group

Avec le top départ des jeux Olympiques d’été de Paris 2024 ce vendredi 26 juillet, et avec l’arrivée très prochaine des jeux paralympiques, il est bien tentant pour de nombreux acteurs économiques d’introduire dans leur campagne marketing de subtiles références à ces évènements planétaires qui gouverneront les pages sport de notre été. Revenons ainsi rapidement sur les règles à respecter et les écueils à éviter pour assurer le podium, et éviter le carton rouge. 

Respecter l’exclusivité relative aux Propriétés Olympiques

L’entité organisatrice des jeux olympiques, identifiée ci-après comme « l’Organisme Olympique », bénéficie tout d’abord d’un régime dérogatoire au droit commun pour la protection de ses droits et de ses symboles.

Ainsi par exemple, l’article L141-5 du Code du Sport français définit légalement que cet organisme olympique est « propriétaire des emblèmes olympiques nationaux […] » et sanctionne le fait de déposer à titre de marque, mais également de reproduire, d’imiter, d’apposer, …, ou de modifier les propriétés olympiques sans son autorisation.

On retrouve notamment parmi ces Propriétés Olympiques des termes assez courants tels que « Olympique » ; « Olympiades » ou encore « Paris 2024 » ; ou encore la représentation des fameux anneaux olympiques, tout comme celle de la flamme ou des médailles au design spécifique de Paris 2024. Tous ces éléments sont protégés au sein de la charte olympique qui prohibe leur utilisation non autorisée, de sorte que ces mots et symboles semblent bénéficier du statut conféré aux marques notoires.

Notons que parallèlement à ce statut particulier, certaines Propriétés sont également doublées de l’enregistrement « classique » des marques de commerce ou de dessins et modèles. On peut en retrouver une liste assez complète, mais toutefois non-exhaustive, au sein des différents communiqués proposés par le CIO afin de préparer l’évènement :

L’utilisation de ces propriétés olympiques au sein de communication commerciales est donc strictement et exclusivement réservée aux « partenaires olympiques officiels » qui ont pu obtenir ce titre « par leurs activités et leur soutien, contribuent au financement des Jeux Olympiques ». A défaut d’un partenariat officiel avec l’organisme Olympique, il est strictement défendu d’inclure les propriétés olympiques au sein de communications commerciales.

Au-delà des partenaires olympiques officiels, il est également autorisé aux « partenaires personnels non-olympiques », à savoir les acteurs ayant signé un contrat de partenariat avec un participant mais n’ayant pas de licence officielle avec l’Organisme Olympique, de promouvoir l’image de leur athlète à titre publicitaire. Ces messages publicitaires sont toutefois possibles sous réserve du stricte respect des règles précitées, et notamment de celles issues de la charte olympique.

Finalement, en ce qui concerne l’utilisation publicitaire d’expressions du type « prendre la tête de la course », « top départ » ou encore « aller décrocher la médaille », rappelons que la condition sine qua non à la protection par le droit d’auteur est l’originalité de l’œuvre. Les slogans sont par essence dépourvus d’originalité dans la mesure simplement constituer de mots banals, issus du langage commun, et d’où ne ressort pas la personnalité même de leur auteur.

L’Ambush Marketing et les références autorisées

L’ « Ambush Marketing », ou le marketing d’embuscade, a été défini par la Cour d’appel de Paris, comme “ le fait pour une entreprise de se rendre visible du public lors d’un évènement sportif ou culturel afin d’y associer son image tout en évitant de rétribuer les organisateurs et de devenir un supporter official” (CA Paris, 10/02/2012, 10/23711).

Bien qu’il soit parfois sanctionné au titre du parasitisme économique comme un acte de concurrence déloyale et par conséquent « contraire aux pratiques honnêtes du marché » (article 10bis de la convention de Paris), rappelons toutefois qu’en France, pays hôte de la compétition visée, l’ambush marketing n’est pas, en soit, expressément prohibée par la loi.

Dans ce contexte, quels sont ainsi les règles à respecter ?

Tout d’abord, comme toute action fondée sur le parasitisme, le plaignant doit démontrer la faute de l’accusé, le préjudice qu’il a subi, et le lien de causalité entre ces deux évènements.

Or, les tribunaux estiment désormais que la simple mention ou la simple référence à un évènement sportif ou culturel dans un message publicitaire, lorsqu’il ne viole pas un droit privatif, ne suffit pas à faire sanctionner l’ambush marketing ; il faut en plus caractériser l’utilisation abusive de cette référence ou de cette utilisation.

A titre d’exemple, le plaignant doit ainsi démontrer que l’”ambusher” s’est prévalu à tort dans sa publicité des termes “sponsors”, “partenaire official” ou encore des marques et des symboles appartenant à l’organisateur.

En revanche, si l’accusé utilise simplement des termes qui gravitent autour de l’évènement ; si la communication est adroitement faite sur un ton décalé ou humoristique ; ou encore s’il est fait de simples références subtiles sans pour autant s’approprier les symboles ou les logos de la fédération qui organise l’évènement, alors le critère de l’usurpation ne sera pas démontré.

L’élément décisif creusant la frontière entre marketing licite et illicite est celui de déterminer si la référence est, ou non, de nature faire naitre à une association illégitime dans l’esprit du public qui conduirait ce dernier à penser que le l’ambusher et l’organisateur sont effectivement officiellement associés.

A titre d’illustration, nous pouvons citer l’affaire « vico » dans laquelle les organisateurs des JO de 2016 et de l’Euro de football se déroulant la même année n’ont pu faire cesser la campagne du groupe du groupe Intersnack autour du slogan « Vico, partenaire des supporters à domicile » ;

Ou de la même manière, la société Fiat a pu échapper à une condamnation en 2014 alors que cette dernière, avait fait paraitre une publicité pour sa nouvelle fiat 500 en indiquant : « “France 13-Angleterre 24, La Fiat 500 félicite l’Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l’équipe de France le 9 mars pour France-Italie ». Bien que la référence aux 2 équipes nationales et à la célèbre compétition visée (tournoi des VI nations 2008) ne faisait aucun doute, les juges ont retenus que l’utilisation du score du match, du nom des nations concernées et de l’annonce de la prochaine rencontre ne sont que des éléments informatifs, qui n’ont pas pu induire en erreur le public visé sur la qualité de partenair officiel de la société fiat, (Cass. com., 20 mai 2014, n˚ 13-12.102, FS-P+B (N° Lexbase : A4978MMC).

Opinion de l’auteur

Il est tout à fait naturel, au vue des enjeux économiques, politiques et cultures que représentent un évènement de l’envergure des Jeux Olympiques de Paris 2024, que les organisateurs souhaitent contrôler l’utilisation de leur image et préserver l’exclusivité promise à leurs partenaires. Cependant, il est également important de concilier ce monopole aux intérêts de chacun, des « plus petits », de ceux qui n’ont parfois pas eu l’opportunité de rejoindre le projet, et avant tout de permettre à tous, au titre de la liberté d’expression, de supporter et de prendre part à un tel rassemblement. Après tout, c’est ça l’esprit du sport !

Dans ces circonstances, nos équipes sont à votre disposition pour vous aider à « rester dans le match» ; à veiller à la légalité de vos campagnes publicitaires ; et surtout à permettre à chacun de supporter ses athlètes préférés afin de profiter comme il se doit des promesses sportives qu’augures notre été 2024.

Sources:

Paris Court of Appeal, 10/02/2012, 10/23711 

Cass. com., 20 May 2014, n˚ 13-12.102 

The Olympic Charter (version en viguer au 23 juillet 2024)

France Paralympic – Application de la règle 40 pour la délégation française : https://france-paralympique.fr/regle-40/

AYNES, M. ALES, T. (12/2014) Ambush Marketing : Panorama jurisprudentiel et conseils pratiques, Lexisnexis Jurisclasseur – Contrat concurrence consommation : https://www.cliffordchance.com/content/dam/cliffordchance/PDFDocuments/Ambush-marketing.pdf

GELLES, V. (17/07/2023) Jeux Olympiques de Paris 2024 : quelles contraintes en metière de communication ?, Jurisexpert.net – Blogpost : https://www.jurisexpert.net/jeux-olympiques-paris-2024-quelles-contraintes-en-matiere-communication/

ROQUES, M. (08/02/2024) Le risque d’embuscade du marketing : L’ambush marketing – ARPP Blogpost : https://blog.arpp.org/2024/02/08/risque-embuscade-marketing-ambush-marketing/

Droit des marques et l’ambush marketing (fr) – Compte rendu de la conférence « Campus 2013 » réalisée par la rédaction de Lexbasre – La Grande Bibliothèque du Droit : https://www.lagbd.org/Droit_des_marques_et_l%E2%80%99ambush_marketing_(fr)

Hery, C. (03/2024) France : Ambush marketing et jeux olympiques Paris 2024, Legalmondo Blogpost : https://www.legalmondo.com/fr/2024/03/ambush-marketing-paris-2024-olympics/ 

Pierre, J. (31/04/2023) Ruugby Worldcup 2023, J.O. paris 2024 et Ambush Marketing – Village de la justice : https://www.village-justice.com/articles/rugby-worldcup-france-2023-paris-2024-une-occasion-surfer-sur-ces,45511.html 

Téchené, V. Fajgenbaum F. (12 Juin 2014) Ambush marketing : Fiat : 1 / FFR 0 – Lexbase Hebdo éditions affaires n°385 (n° LEXBASE : N2593BYL) : https://www.nfalaw.com/wp-content/uploads/2020/01/12-06-2014-LEXBASE-AmbushMarketin-7.pdf